Et oui, ce n’est que le 21 avril 1944 que les femmes françaises ont enfin pu obtenir le droit de vote. Une promesse que le général de Gaulle leur avait faite. Mais leur premier bulletin dans l’urne sera déposé quant à lui en 1945. En 1946, elles pourront enfin entrer au Sénat. Que de chemin parcouru depuis mais pourquoi avoir attendu si longtemps ? Car si le 21 avril 1944, les Françaises obtenaient – enfin ! – le droit de vote, de nombreuses citoyennes dans le monde l’avaient obtenu bien avant elles !
Il aura fallu attendre la seconde Guerre mondiale et les nombreuses preuves de courage et d’engagement des femmes dans la Libération pour que le général de Gaulle accorde aux femmes « l’égalité politique et économique ». Ainsi, l’article 17 de l’ordonnance ratifiée ce 21 avril 1944 précise que « les femmes sont électrices et éligibles dans les mêmes conditions que les hommes. »
Une étape cruciale est franchie dans la lutte pour l’égalité et les droits des femmes. Mais les luttes seront encore nombreuses. Toutefois, cette date marque un réel avancement dans l’émancipation des femmes vis-à-vis de leurs pères ou de leurs maris.
Bien que née en 1977, j’appartiens pour ma part à la première génération de femmes dans ma famille à être née avec le droit de vote, ma mère étant née en 1943. Elle a certes voté dès ses 21 ans (la majorité à son époque) mais n’est pas née « égale » à son frère.
Un droit obtenu tardivement
Si la France avait été l’un des premiers pays au monde à accorder partiellement le droit de vote aux femmes, et ce bien avant la révolution, ces droits furent abolis en 1791.
La patrie des droits de l’homme semble avoir oublier de l’écrire avec un « H » majuscule.
Ainsi, en 1944, elle est même très en retard par rapport à ses voisins européens, mais aussi aux pays occidentaux. La Nouvelle Zélande ayant accordé le droit de vote aux femmes, même Maori, dès 1893, et le droit d’éligibilité en 1919.
Les Néo-Zélandaises sont les premières à avoir obtenu le droit de vote… en 1893 !
Le début du XXe siècle voit ainsi l’ouverture du droit de vote aux femmes se développer partout dans le monde, notamment dans les pays nord européennes, anglo-saxons mais aussi en Europe de l’Est et en Russie.
Le fin des années 20 et les années 30 connaîtront le même élan en Amérique du Sud et en Asie… bien avant la France donc !
Pourquoi les Françaises ont-elles dû attendre 1944 pour pouvoir voter ?
C’est donc le général de Gaulle, alors à la tête du gouvernement provisoire, qui accorda, depuis Alger, le droit de vote aux Françaises en 1944, avant même la fin de la guerre. Une décision qui, pour certain.es, sonne comme une « récompense » pour reconnaître l’engagement et la bravoure des femmes engagées dans la Résistance pendant la seconde guerre mondiale.
6 propositions de loi pendant l’entre-deux-guerres
Mais l’histoire est plus complexe que cela et, heureusement, le droit de vote n’est en rien une récompense mais bien un droit pour lequel les femmes (mais aussi quelques hommes) se sont battues. Alors pourquoi les Françaises ne l’ont-elles pas obtenu après la Première Guerre mondiale comme dans nombre de pays européens et occidentaux ?
Pourtant, la France était loin d’être hermétique au sujet. En effet, dès les années 1870, plusieurs projets de loi avaient vu le jour. Des députés avaient même déjà proposé l’instauration d’un vrai suffrage universel incluant les femmes, faisant ainsi écho aux mouvements « féministes » qui commençaient à agiter l’Europe et l’Occident en particulier.
6 propositions de loi en faveur du droit de vote des femmes ont échoué entre 1918 et 1940 !
Alors que de nombreux pays européens ont accordé le droit de vote aux femmes dès la fin de la Première Guerre mondiale, la France semble à la traîne. Pourtant, entre 1918 et 1940, pas moins de six propositions de loi en ce sens ont été votées par l’Assemblée Nationale. Mais c’était sans compter sur le rejet du Sénat, instance souvent conservatrice (et bien entendu exclusivement masculine à cette époque). Et sous la IIIe République, aucune loi ne peut passer si le Sénat vote contre.
Quand l’anticléricalisme prime sur les droits des femmes
Fait plus étrange : c’est le parti radical, au centre gauche (réputé pourtant plus progressiste), qui bloque le vote. La raison ? La plupart de ses élus considèrent les femmes comme des citoyennes non autonomes et même influençables, et donc inéligibles au droit de vote !
Pourquoi une telle crainte ? Elle fait davantage référence au fort anticléricalisme qui animait alors la plupart des élus de gauche. Ceux-ci craignaient en effet l’influence du clergé sur les femmes, agissant ainsi tel un contre-pouvoir dans une société devenue laïque en 1905 à la suite de la loi de séparation de l’Église et de l’État. Par conséquent, les Françaises ont fait les frais de l’anticléricalisme ambiant et ont vu leurs droits sacrifier sur l’autel de la laïcité. Résultat, elles ont dû attendre 1944 et la fin de la Seconde Guerre mondiale pour, enfin, être considérées comme citoyennes à part entière et non plus entièrement à part.
Le droit de vote des femmes dans le monde
C’est au XIXe siècle que la lutte pour le droit de vote des femmes prend une tout autre ampleur, à commencer par le Royaume Uni. En effet, le 3 août 1832, Mary Smith, une Britannique, porte devant le Parlement une requête inédite jusqu’alors : soumise aux mêmes impôts et aux mêmes lois que les hommes, elle revendique le droit de pouvoir participer à la décision de ces lois en élisant des représentants et en pouvant les faire appliquer dans les tribunaux.
Requête qui restera vaine jusqu’à ce que le mouvement des Suffragettes s’empare du sujet au début du XXe siècle, en 1903 :
Le terme « suffragettes » apparaît en 1903 en Grande Bretagne avec la création par Mrs Pankhurst de l’Union politique et sociale des femmes (WSPU). Ses membres, les « suffragettes » militent pour le droit de vote des femmes.
Source : 8 mars.info/lessuffragettes
Les pays précurseurs
Pourtant, si le mouvement britannique reste sans nul doute le plus célèbre (tant il a été copié dans d’autres pays), le Royaume Uni n’est pas le premier pays au monde à avoir accordé le droit de vote aux femmes. Dès la fin du XIXe siècle, certains pays sont ainsi apparus comme précurseurs :
1893 : la Nouvelle-Zélande adopte le suffrage universel, permettant aux femmes (y compris maori) de voter lors des élections législatives cette année-là. Mais ce n’est qu’en 1919 qu’elles pourront se porter candidates.
1901 : l’Australie désormais unifiée et indépendante étend les droits de vote et d’éligibilité des femmes (blanches uniquement !) à tout son territoire (la Tasmanie devra attendre toutefois 1903). Les Aborigènes n’obtiendront ce droit qu’en 1962.
1906 : la Finlande adopte le suffrage universel, sans restrictions sexuelles, sociales ni raciales. Les élections législatives finlandaises de 1907 sont ainsi les premières au monde où 19 femmes sont élues députées.
1913 : la Norvège
1915 : le Danemark et l’Islande
1916 : Manitoba est la première province du Canada à accorder ce droit aux femmes.
1917 : La Russie (Gouvernement provisoire)
Après la Première Guerre mondiale
Après la première Guerre mondiale, de nombreux pays partout dans le monde étendent le droit de vote aux femmes marquant, on le pensait à l’époque, le début d’une ère nouvelle.
1918 : Arménie, Hongrie, Canada (au niveau fédéral), Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande, Tchécoslovaquie, Pologne, Roumanie (dans certaines provinces uniquement, il faudra attendre 1923 pour que le droit s’applique à tout le pays sans que les femmes puissent être néanmoins éligibles), Géorgie, Azerbaïdjan, Autriche, Allemagne
1919 : Pays-Bas (éligibilité dès 1917), Luxembourg, Belgique
1920 : Albanie, États-Unis (pour les femmes blanches)
1922 : État libre d’Irlande
1924 : Mongolie, Espagne (sauf pour les femmes mariées ou prostituées)
1926 : Liban (partiel)
1927 : Uruguay (droit ponctuel lors d’un plébiscite local)
1928 : Royaume-Uni, droit de vote étendu à toutes les femmes âgées de plus de 21 ans
1929 : Équateur
1930 : Afrique du Sud (pour les femmes blanches), Turquie (droit de vote aux élections municipales), Grèce (élections municipales)
1931 : Portugal (pour les femmes diplômées de l’enseignement secondaire. Il est étendu à l’ensemble des femmes en 1974)
1931 : Sri Lanka
1932 : Roumanie (droit de vote universel et éligibilité), Thaïlande, Maldives, Uruguay, Brésil
1934 : Cuba, Turquie (droit de vote étendu et éligibilité)
1935 : Birmanie, Inde (partiel), Philippines
1938 : Bolivie, Ouzbékistan
Pendant et après la Seconde Guerre mondiale
1939 : Salvador
1941 : Panama (limité aux hauts nveaux d’éducation)
1942 : République dominicaine
1944 : Bulgarie, France
1945 : Yougoslavie
1945 : Italie
1946 : Japon, Espagne (pour les femmes mariées), Panama (suffrage pour toutes les femmes)
1947 : Argentine, Venezuela
1948 : Belgique (en 1920, il n’est reconnu que pour les élections communales)
1948 : Israël
1949 : Chili
L’Arabie Saoudite est le dernier pays du monde à avoir accordé le droit de vote aux femmes… en 2011 !
Dans la seconde moitié du XXe siècle
Dans les années 50-60, de nouveaux pays octroient le droit de vote aux femmes sous l’impulsion de la décolonisation et de leur indépendance fraîchement acquise, notamment en Afrique, en Asie et au Moyen Orient. À noter également que l’Arabie Saoudite est à ce jour le dernier pays à avoir autorisé les femmes à voter. C’était en 2011 mais les premières élections autorisant les femmes à voter ont eu lieu en décembre 2015 !
Depuis cette date, dans tous les pays du monde où le vote est pratiqué, hommes et femmes peuvent voter. En revanche, dans certains situations particulières, le vote n’est pas autorisé :
- Le Vatican car les femmes sont exclues du conclave
- Le sultanat de Brunei : monarchie absolue dans laquelle le droit de vote n’existe pas, ni pour les hommes, ni pour les femmes
Enfin, il est important de noter qu’aujourd’hui, la France est l’un des pays les plus actifs en matière de politiques égalitaires notamment concernant les femmes qui travaillent. De nombreuses lois en faveur de la parité et de l’égalité professionnelle sont en vigueur malgré les écarts salariaux qui persistent.