De la rue Saint-Guillaume à Kaboul ! Tel était le titre d’une conférence organisée le 13 octobre à Sciences Po Paris autour d’un dialogue entre Rula Ghani, 1re dame d’Afghanistan, et Anne Nivat, reporter de guerre indépendante. Parmi tous les sujets traités, cette ancienne diplômée de Sciences Po (promo 1969) répondait particulièrement à l’une d’entre elles : Quelle est la place des femmes en Afghanistan ?
De la rue Saint Guillaume à Kaboul, un parcours original pour une femme hors du commun. Les enfants, les damnés, les droits des femmes… autant de causes auxquelles Rula Ghani est très attachée. Mais aujourd’hui, en tant que 1re dame du pays, elle agit activement pour défendre les droits des femmes dans son pays d’adoption. Car non, Rula Ghani n’est pas Afghane. D’origine libanaise, elle rencontre son époux, Ashraf Ghani, sur les bancs de l’université américaine de Beyrouth. À l’époque, elle s’appelait encore Rula Saade.
Avec lui, elle passera 30 ans aux États-Unis, pays où naîtront ses 2 enfants, avant de rejoindre l’Afghanistan en 2014 lorsque son mari deviendra président du pays.
Une 1re dame engagée en faveur des droits des femmes
Droits des femmes en prison, droits économiques, entrepreneuriat… Rula Ghani est sur tous les fronts. Elle a même créé une chambre de commerce dédiée aux femmes. Des femmes qui occupent une place importante dans la reconstruction de l’Afghanistan.
Le 29 avril 2014, le président mentionne son nom devant la nation Afghane : c’était la 1re fois qu’un président remerciait publiquement sa femme ! Plus qu’une simple épouse, Rula Ghani se pose comme une véritable partenaire du président :
« Il m’a présentée en tant que partenaire de vie mais aussi parce que j’allais jouer un rôle. C’était très important. Aujourd’hui, quand j’assiste à un évènement, je suis toujours au 1er rang à côté de mon mari. C’est essentiel car les femmes étaient jusque-là invisibles et n’ont toujours pas l’habitude que l’on donne leur nom. »
Une campagne #WhereIsMyName a même été lancée sur les réseaux sociaux afghans pour que les hommes appellent les femmes par leur nom.
La « grand-mère » de l’Afghanistan
C’est ainsi qu’elle est surnommée dans ce pays, tant elle porte d’attention et d’écoute à son peuple, un peu à l’image d’une grand-mère dévouée. Elle reçoit ainsi au sein du palais présidentiel entourée de son équipe composée d’une dizaine de personnes quiconque a besoin d’aide et souhaite lui parler, aussi bien des hommes que des femmes :
« Je témoigne de ces personnes. Je ne suis pas là pour accorder des faveurs. En groupe, je les encourage pour trouver leur solution. Je leur conseille de décider de ce qu’elles veulent faire et, moi, je serai derrière elles. En Afghanistan, les femmes agissent ! Aucune ne vient me voir pour me dire qu’elle a peur. Elles cherchent toutes des solutions concrètes comme avoir des semences pour leur ferme. »
La condition des femmes en prison
Mais certaines situations restent encore très complexes et certains sujets urgents à traiter à l’image de la condition déplorable des femmes en prison. Certains membres de son équipe leur ont alors rendu visite. En conséquence, son mari a créé une commission présidentielle constituée de juges, d’hommes et de femmes politiques… pour examiner chaque dossier de femmes au cas par cas.
Résultat : 300 femmes ont été libérées car elles étaient en prison alors que leur peine était finie. Une centaine d’autres ont vu leur peine raccourcie.
« Mon mari a été en partie élevé par sa grand-mère donc il respecte les femmes et comprend leur situation. »
Une hotline dédiée aux femmes
Rula Ghani ne se contente pas d’écouter pour trouver des solutions. Elle agit aussi pour résoudre les problèmes avant qu’ils ne deviennent dramatiques. Elle a ainsi lancé une hotline dédiée aux femmes.
« Les appels sont initiés par un parent mâle : un père, un frère, un mari qui vérifient que la hotline est sérieuse. Elle est gérée par une ONG. Nous allons essayer de réduire les coûts des appels pour inciter davantage les femmes à appeler. »
La paix passe par les femmes afghanes
Autre engagement actif de la part de Rula Ghani : ses actions en faveur de la paix. La situation des femmes évolue en même temps que celle de l’Afghanistan s’améliore ! Une évolution positive logique car les femmes prennent une part active dans la reconstruction du pays. Ainsi, lorsque l’Europe a décidé d’expulser 80 000 Afghans, c’est une femme qui est allée négocier leur retour devant les représentants européens. Plusieurs ministres hommes avaient refusé !
« Mon époux n’est pas surpris de mon efficacité mais il est très content des résultats. Il a assisté à la fin du symposium sur la paix. Il était étonné du niveau de discussion et de propositions rassemblées par les femmes. Tout le monde veut la paix en Afghanistan. Les femmes peuvent changer la mentalité, apprendre à réconcilier, faire des compromis, écouter l’autre. »
Devant l’organisation flamande Mothers of Peace, elle rappelait ainsi : « N’oublions pas les horreurs de la guerre, battons-nous pour la paix ! » Un combat qui sera en grande partie gagné grâce aux femmes en Afghanistan !