La grande fête du cinéma, français, américain ou autre, vient de s’achever. Et un constat s’impose : le manque flagrant de diversité notamment envers les femmes. Si les César ne les ont pas oublié dans leurs nominations, force est de constater que nous n’avons rien à envier aux Américains côté palmarès. En effet, une seule d’entre elle a obtenu la très prestigieuse Palme d’Or à Cannes en 1993 et côté César, une seule également a été récompensée en tant que meilleure réalisatrice… C’était en 2000. Pourtant, le cinéma ne manque pas de femmes de talent, loin s’en faut. Alors pourquoi un tel manque de notoriété et de récompense ?
Et c’est à peine mieux pour le César du meilleur film décerné à seulement 4 reprises à une femme depuis 1976. Cette année, elles étaient pourtant 3 à concourir dans la catégorie Meilleur film et Meilleur réalisateur (et non réalisatrice). Mais toutes sont reparties bredouille même si Mustang de la réalisatrice Deniz Gamze Ergüven a raflé 4 autres récompenses.
C’est aussi le film Fatima – qui met les femmes à l’honneur – qui a remporté le César du meilleur film… mais il a été réalisé par un homme. Un peu comme Un homme et une femme, vous savez, le superbe film de Claude Lelouch ? Eh bien au cinéma, c’est surtout… un homme !
Au pays de l’Oncle Sam, on est loin du pays de Candy
Et pourtant, en France, nous ne sommes pas forcément à plaindre. Saviez-vous que les femmes n’ont réalisé que 7 % des 250 plus gros films hollywoodiens ? Voilà ce que révèle une étude récente sur le sexisme à Hollywood établie sur les plus importants succès américains de 2014. Et ce n’est pas tout : 13 % des 700 plus grosses productions hollywoodiennes en termes de recettes ont été réalisées par des femmes, pour 13 % de scénaristes féminines et 27 % de productrices.
Même constat du côté de la technique : seulement 9 % de chef-op de sexe féminin ont travaillé sur ces longs métrages. Le top 250 des meilleurs blockbusters en 2014, quant à lui, ne compte que 7% de réalisatrices.
Les femmes n’ont réalisé que 7 % des 250 plus gros films hollywoodiens
Autre étude qui va dans le même sens malheureusement, celle menée par l’Université de Caroline du Sud (USC) sur la sous-représentation des femmes à Hollywood. Selon les chiffres de l’USC, « sur 11 300 personnes qui ont des répliques étudiées dans 414 films et séries télévisées, un tiers sont des femmes. Ces dernières sont davantage susceptibles d’apparaître dans des tenus sexy ou dénudées (37,3% contre 7,6% pour les hommes). Enfin, les femmes sont toujours aussi rares derrière la caméra : elles ne représentent que 15% des réalisateurs, 29% des scénaristes et 23% des créateurs de séries. »
Une situation qui s’aggrave avec l’âge – difficile de mener une carrière d’actrice au-delà de 40 ans, 74 % des rôles sont masculins – et que n’ont pas manqué de dénoncer certaines stars à l’image de l’actrice oscarisée Jennifer Lawrence qui n’a pas hésité à pointer du doigt les inégalités en matière de salaire également. Résultat: le gouvernement américain a officiellement ouvert une enquête sur le sexisme à Hollywood. La jeune actrice Emma Watson s’est elle aussi engagée en faveur des femmes lors d’une poignante tribune à l’ONU en faveur du féminisme.
Le pays de la liberté mais pas celui de la parité
Mais il serait injuste d’accabler les États-Unis car le manque de parité se retrouve à l’échelle internationale. Et la France est loin d’être épargnée. Ainsi, selon une étude de l’agence Datcha, entre 2005 et 2014, 1 846 personnes ont réalisé au moins un film de fiction, d’animation ou un documentaire. Parmi elles : seulement 22 % de femmes. Et c’est pire encore dans le secteur de l’animation : on n’y recense que 5 % de réalisatrices. Entre 2005 et 2014, elles ont aussi moins réalisé de films que leurs confrères réalisateurs.
Un fait essentiel ressort : plus les budgets des films sont importants, moins on trouve de femmes à la réalisation. Au long de ces dix ans, aucune femme n’a ainsi réalisé le film le plus cher de l’année. Heureusement pour elles, budget ne rime pas toujours avec qualité ! L’espoir est permis toutefois : elles sont de plus en plus nombreuses à se lancer dans la réalisation !
Seulement 22 % de femmes réalisatrices en France entre 2005 et 2014 !
Présentée en mars devant l’Observatoire de l’Égalité, l’étude du CNC sur la place des femmes dans l’industrie cinématographique et audiovisuelle menée en mars 2014a mis en avant les disparités et les inégalités hommes-femmes :
- en 2012, 23% des réalisateurs de long-métrage sont des femmes (18,4% en 2008)
- en 2012, 27% des premiers films sont réalisés par des femmes (25% en 2008)
- en 2012, 33% des deuxièmes films sont réalisés par des femmes (29% en 2008)
- en 2012, le devis moyen des films réalisés par des femmes (3,45 millions d’euros) est moins élevé que celui réalisé par des hommes (5,66 millions d’euros)
- les hommes représentent plus de ¾ des entreprises de production audiovisuelle et cinématographique
- de fortes disparités existent entre les métiers : les scriptes sont à 98% des femmes ; les électriciens à 98% des hommes ; les assistants réalisateurs sont pour moitié des femmes…
- les écarts de salaires sont importants, notamment pour les réalisateurs : les femmes réalisatrices ont des salaires moins élevés de 30%.
Les inégalités sont flagrantes mais la situation évolue positivement néanmoins. Autre source de satisfaction : le situation est meilleure en France – et donc moins inégalitaire – que dans le reste de l’Europe. La moindre des choses pour le pays qui a vu naître les frères Lumière et leur cinématographe.
Les écoles de cinéma très féminisées
Autre source d’espoir : les études de cinéma sont très féminisées, en France notamment. Ainsi, la Fémis, la plus célèbre d’entre elles, tend vers la parité : si on compte actuellement un peu plus de garçons que de filles (environ 60 – 40 parmi les candidat-e-s reçu-e-s), l’école accueillait même à ses débuts dans les années 80 plus de jeunes réalisatrices que de jeunes réalisateurs. Puis la tendance s’est inversée et aujourd’hui, les garçons sont majoritaires dans la section « réalisation » et « son » alors que les filles se dirigent plus vers les branches « scénario » et « décor ».
La controffensive féminine s’organise néanmoins. Ainsi, certaines actrices ou professionnelles du cinéma et de l’audiovisuel ont trouvé la réplique (normal pour le cinéma !) : créer leur propre société de production dédiée aux femmes, We Do It Together. Une initiative menée par des grands noms du cinéma international comme Juliette Binoche, Jessica Chastain mais aussi Zhang Zhiyi, Queen Latifah, Catherine Hardwicke (la réalisatrice de Twilight), ou encore Freida Pinto. Leur 1er film sera annoncé cette année lors du Festival de Cannes en mai prochain.
Des sièges de cinéma aux bancs de l’école
Vous ne le savez peut-être pas mais toutes les stars de cinéma ne sortent pas forcément des fameuses écoles telles que le Cours Florent, l’Actor’s Studio ou la FEMIS. En effet, plusieurs d’entre elles, qu’ils ‘agisse d’acteurs / actrices ou de réalisateurs / réalisatrices, ont fait de hautes études. Comme quoi, aucune voie n’est toute tracée. Parmi ces stars (sur)diplômées – et parfois même des plus prestigieux établissements (certains vont vous surprendre) :
- Arnold Schwarzenegger possède 3 doctorats
- Hugh Grant a un niveau Bac+4 obtenu à l’université d’Oxford puis à Londres
- François-Xavier Demaison a fait Sciences Po Paris
- Le réalisateur Wes Craven possède 2 licences
- Sharon Stone possède un Bac+4 en lettres et beaux-arts
- Natalie Portman est diplômée en psychologie à Harvard
- Jodie Foster a étudié la littérature à Yale, la même université que celle choisie par Meryl Streep et Edward Norton
- Bradley Cooper a appris le français à l’université d’Aix-en-Provence où il a passé quelques mois en équivalent Erasmus
- Steven Spielberg a même repris ses études 33 ans après les avoir arrêtées pour enfin obtenir son diplôme à l’université de Californie
- Emma Watson est quant à elle diplômée de l’université de Brown
- Cédric Klapisch a fait hypokhâgne-khâgne avant d’obtenir une maîtrise de cinéma à l’université
Et oui, tous les chemins mènent aux Oscar ou aux César ! Alors pourquoi pas vous ?
En savoir plus
* Titre en référence à l’initiative « À Cannes, les femmes montrent leurs bobines, les hommes, leurs films »
- Voir l’infographie de l’étude de l’agence Datcha sur le site de Télérama
- Lire l’étude du CNC sur la place des femmes dans l’industrie cinématographique et audiovisuelle