Uderzo, Hergé, Joann Sfar, Zep, Franquin, Jul côté BD ou encore Plantu et les regrettés Charb, Cabu, Tignous ou Wolinski côté presse. Voici quelques-uns des dessinateurs les plus célèbres. Plusieurs festivals leur sont même consacrés dont le plus connu, le festival d’Angoulême. Mais s’il n’y a rien à redire à le talent, rien ne vous choque ? Non ? Vraiment ? Et quid des dessinatrices pourtant elles aussi très talentueuses ? Voilà la réalité à l’heure actuelle : les femmes manquent de représentation ! Et oui, le dessin manque de sein !
Et ce n’est pas le dernier festival d’Angoulême qui va y remédier. Peut-être en avez-vous entendu parler mais il a mis en avant le machisme « ordinaire » qui règne dans le milieu de la bande dessinée.
D’où est née la polémique ? Parmi les 30 nominés pour le Grand prix du 43e festival international de la bande dessinée d’Angoulême… aucune femme ! Peut-être un mal nécessaire car les réactions ne se sont pas faites attendre pour dénoncer cette injustice. De nombreuses voix se sont alors élevées, et parmi elles, celles de certains dessinateurs eux-mêmes.
Les femmes dans la BD : dessiner, c’est pas gagner !
Y-a-t-il pour autant une véritable volonté d’exclure les femmes ? Pas forcément car les dessinatrices reconnues ne manquent pas à l’image de Jessica Abel, Alison Bechdel, Claire Bretécher, Marjane Satrapi, Posy Simmonds… Même constat dans la presse où Coco et Catherine font le bonheur des lecteurs de Charlie Hebdo ou Camille Besse pour Causette.
Idem à l’étranger avec par exemple Rayma Suprani au Venezuela pour le journal El Universal (elle a été licenciée depuis), Ann Telnaes, dessinatrice au Washington Post et Prix Pulitzer, et la caricaturiste tunisienne Nadia Khiari.
Seulement 12,4 % de femmes dessinatrices au sein de la BD francophone.
Certes, les dessinatrices sont minoritaires : on compte aujourd’hui 173 auteures de BD francophone pour 1 399 hommes, soit seulement 12,4% de femmes. Mais en 43 ans, seules quatre d’entre elles se sont vu décerner le prix du meilleur album au festival.
Alors pourquoi un tel écart ? D’autant que les étudiantes en écoles des Beaux-Arts ne manquent pas. Écart qui se retrouve malheureusement dans bien d’autres arts à l’image du cinéma ou de la photographie. Premièrement à cause d’un manque de mixité au sein des jurys. Difficile de se rendre compte de la faible représentativité des femmes lorsque l’on décide entre hommes ou que l’on accueille seulement une femme ou deux histoire de masquer la réalité.
Les cocottes appellent au boycott
Un point intéressant est que l’on retrouve ce même constat au niveau des top managers des grandes entreprises, un peu comme si le comex devait désigner le vainqueur du Grand Prix d’Angoulême. Mais à l’image de la féminisation des cadres dirigeants, l’ampleur qu’a pris la polémique donne de l’espoir. De nombreux dessinateurs nommés ont ainsi refusé de recevoir le Grand Prix d’Angoulême pour dénoncer cette inégalité.
Ce collectif des créatrices de bande dessinée contre le sexisme rassemble 140 dessinatrices dont Pénélope Bagieu, Diglee ou encore Julie Maroh. Da,s la foulée, certains dessinateurs se sont eux aussi insurgés contre la liste des nominés et s’en sont eux-mêmes retirés tels que Riad Sattouf et Joann Sfar.
Résultat : le Grand prix d’Angoulême a modifié sa liste en y intégrant Linda Barry, Julie Doucet, Moto Hagio, Chantal Montellier, Marjane Satrapi et Posy Simmonds. Finalement, c’est Hermann qui a remporté le Grand Prix mais le festival 2016 ne retiendra pas forcément son nom.
Dommage d’en arriver là mais la polémique a eu le mérite de pointer du doigt une autre forme de plafond de verre.
Voici l’appel au boycott lancé par le collectif des créatrices de bande dessinée contre le sexisme :
« Suite à la publication de la liste des nominés pour le Grand Prix d’Angoulême 2016 pour lequel nous, autrices et auteurs sommes appelé.e.s à nous prononcer, le couperet est tombé: 30 noms, 0 femme. […] Nous nous élevons contre cette discrimination évidente, cette négation totale de notre représentativité dans un médium qui compte de plus en plus de femmes. […] En effet, quel est donc le message envoyé aux autrices de bande dessinée et à celles en voie de le devenir? On voudrait les décourager à avoir de l’ambition, à poursuivre leurs efforts, que l’on ne s’y prendrait pas autrement. On en revient à la notion de plafond de verre, toujours aussi désastreux: on nous tolère mais pas en haut de l’affiche. Les femmes en bande dessinée, doivent rester des ‘auteurs confidentiels’ par usage? […] Pour l’ensemble de ces raisons, le Collectif des créatrices de bande dessinée contre le sexisme en appelle au boycott du Grand Prix 2016. Nous ne voterons pas. »
« 100 Women Making Comics »
Au même moment, Londres annonçait préparer une exposition consacrée aux femmes dans la BD afin de combattre les clichés. 100 Women making Comics – 100 femmes qui font des BD – se déroulera du 5 février au 15 mai à la Maison de l’illustration (House of Illustration), une organisation caritative. Si vous vous rendez dans la capitale britannique dans les semaines à venir, ne la manquez pas.Il s’agit de la plus grande expo jamais organisée en Grande-Bretagne sur l’histoire de la BD féminine.
L’idée : « Battre en brèche le cliché qui veut que les femmes jouent un rôle limité dans le monde de la BD ».
À l’image de la récente exposition parisienne sur les femmes et la photographie, l’événement tentera de mettre en avant l’influence et la créativité des femmes dans la BD depuis ses origines : ainsi, le visiteur « voyagera » au fil des dessins de Posy Simmonds ou Kate Charlesworth, dessinatrices contemporaines, mais aussi de Marie Duval, pionnière du genre au XIXe siècle.
En France, l’association Dessinez, Créez, Liberté vient d’être créée (janvier 2016). De quoi s’agit-il ? Au lendemain des attentats de janvier 2015, des centaines d’enfants et adolescents ont spontanément envoyé à Charlie Hebdo des dessins célébrant la liberté d’expression, les valeurs de la République et la laïcité, en hommage aux victimes. Ces dessins ont été rassemblés par l’association « Dessinez, Créez, Liberté », soutenue par Charlie, SOS Racisme, la FIDL, le ministère de la Culture et de la Communication et le ministère de l’Education nationale et de l’Enseignement supérieur.
N’hésitez pas également à consulter le site internet de l’association Artemisia en faveur de la promotion de la bande dessinée féminine.
Reflet de l’imaginaire débordant de son auteur, le dessin reflète aujourd’hui la place de la femme dans la société en général : présentes mais sous-représentées, sans forcément une volonté sexiste avérée. Alors, à vos crayons. À vos marques, prêts… dessinez !