En 2016, seules 27 % étaient inscrites à l’Ordre des architectes… Et pourtant, on compte 40 % de femmes diplômées en architecture. Pourquoi un tel écart ? Car peu d’entre elles dirigent seules leur propre cabinet. En effet, si nombre d’entre elles dirigent une agence, elles le font le plus souvent avec leur mari. En architecture, les femmes manquent à la pelle… et à l’appel !
Et oui, même en 2017, une femme seule à la tête d’une agence reste une exception : Tilla Theus, Carme Pinós, Elizabeth de Portzamparc ou Manuelle Gautrand.
Qui sont les femmes architectes ?
En 2015, le Conseil national de l’Ordre des architectes publie la 1re édition d’Archigraphie, une étude qui s’appuie sur des chiffres et des statistiques issues de nombreuses sources : CNOA, MAF, CIPAV, ARAPL, UNASA, INSEE, Pôle Emploi, FFB, OMPL, ministère de la Culture.
Objectif : dessiner le portrait des architectes d’aujourd’hui autour de 3 points clés : qui sont-ils, quelle est leur insertion professionnelle, quelle est leur activité économique. Des données essentielles pour une profession en crise depuis 2008 mais qui connaît un certain renouveau depuis 2 ans.
Si l’édition 2016 s’intéresse surtout aux jeunes diplômé-e-s, l’étude de 2015 proposait un focus intéressant sur les femmes architectes. Quel en était alors le constat ? La féminisation progressive d’une profession malgré la persistance d’inégalités de revenus !
Plus précisément, si la profession des architectes s’est féminisée de façon continue entre 2000 et 2013 – en 1982, les femmes représentaient 7,5 % des inscrits à l’Ordre et 11,7 % en 1990 –, en 2000, elles ne représentaient encore que 16,58 % de la population des architectes inscrits à l’Ordre.
Toutefois, la tendance est à la hausse : en 2013, elles représentent 25 % des inscrits, soit une hausse de plus de 8 points !
Une féminisation plus forte dans les jeunes générations…
La raison de cette augmentation ? On la doit particulièrement aux jeunes générations qui tendent à être de plus en plus paritaires (44,1 % de femmes parmi les moins de 34 ans en 2013). Une bonne nouvelle qui doit malheureusement être minorée par rapport à d’autres secteurs dont la hausse de la féminisation est bien plus poussée. On compte par exemple :
- 54,7 %de femmes dans le tertiaire
- 51,9 % d’avocates
- 40 % de femmes médecins
- 29,1 % dans l’industrie
… Mais toutes les tranches d’âge se féminisent !
Ne dit-on pas mieux vaut tard que jamais ? Les tranches d’âge plus élevées se féminisent elles aussi : issues d’un mouvement né il y a une vingtaine d’années, les catégories des 35-44 ans, 45-54 ans, et des 55-64 ans contribuent elles aussi à rééquilibrer petit à petit la proportion de femmes par rapport à celle des hommes.
Parmi les 45-54 ans, la proportion de femmes fait plus que doubler en douze ans, passant de 12 % en 2000 à 27,6 % en 2013 !
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Les femmes architectes majoritairement salariées
Alors pourquoi connaît-on encore si peu de femmes architectes ? Parce qu’à l’image de nombreuses professions, elles restent souvent dans l’ombre des hommes… même dans la ville Lumière ! Elles sont ainsi minoritaires dans les deux principales catégories d’activité – associés et libéraux –, avec une proportion même inférieure à celle que l’on observe dans l’ensemble de la population des architectes.
Toutefois, la féminisation de la profession a également un impact positif sur ces taux. Mais la proportion de femmes reste plus élevée au sein des catégories des fonctionnaires et des salariés. En 2012, elles représentent 36 % de l’ensemble des architectes fonctionnaires et 37 % de l’ensemble des architectes salariés. Pourquoi ? Des statuts plus protecteurs et des barrières d’entrée moins difficiles à franchir.
Autre fait marquant : les femmes architectes connaissent moins le chômage que leurs collègues masculins !
Des femmes architectes en manque de prix
Même les prix internationaux les plus prestigieux tardent à récompenser leur travail. Des prix qui représentent plus qu’une simple récompense : ils sonnent comme une véritable reconnaissance !
Mais malheureusement, à l’image de nombreuses autres disciplines – notamment scientifiques –, les prix d’architecture récompensent rarement des femmes, surtout des femmes architectes seules. Certaines reçoivent en effet des prix mais en compagnie de leur-s associé-s.
En conséquence, depuis 2013, le Prix des Femmes Architectes, organisé par l’ARVHA, l’Association pour la Recherche sur la Ville et l’Habitat, vise à valoriser les carrières et les réalisations des femmes architectes.
Une initiative réalisée avec le soutien du ministère de la Culture et de la Communication, du ministère des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes, de la Ville de Paris ainsi que du Conseil National de l’Ordre des Architectes. Preuve que les instances prennent enfin conscience des inégalités !
Zaha Hadid, 1re femme à recevoir le prix Pritzker
Toutefois, là aussi, la situation évolue : l’architecte britannique d’origine irakienne Zaha Hadid fut ainsi – et enfin ! – la 1re femme à recevoir en 2004 le prix Pritzker, créé en 1979 et considéré comme le « Prix Nobel » d’architecture. Elle fut également la première architecte à remporter la prestigieuse médaille d’or royale pour l’architecture en 2015.
Elle me rappelle en ce sens Maryam Mirzakhani, 1re femme à avoir reçu la médaille Fields, le « Prix Nobel » de Mathématiques !
Parmi ses nombreuses réalisations, elle inaugure en 2008 le Chanel Mobile Art, un musée itinérant à Hong Kong. Ce pavillon d’exposition d’art contemporain destiné à voyager à travers le monde. Depuis 2011, il est installé de façon permanente sur le parvis de l’Institut du monde arabe à Paris.
Manuelle Gautrand, prix européen d’architecture 2017
Cocorico ! Pour la 1re fois cette année, le prestigieux prix européen d’architecture récompense une femme. Et c’est une Française ! Une 1re à double titre car c’est aussi la 1re fois que le prix est décerné à un architecte français, en l’occurrence une architecte.
Pour la première fois, le prix européen d’architecture est décerné à une femme. Et pour la première fois à un architecte français. Manuelle Gautrand, présidente de l’Académie d’architecture depuis 2016, a ainsi été récompensée par The European Centre for Architecture Art Design and Urban Studies et The Chicago Athenaeum le 6 septembre dernier.
Un prix qui récompense la richesse de l’ensemble de son œuvre. Parmi ses réalisations : les rénovations parisiennes de la Gaîté lyrique et du cinéma Gaumont Alésia, la conception du bâtiment C42, vitrine de Citroën sur les Champs Élysées…
Son ambition : « Développer une architecture innovante, écologique et humaniste ! »
Seules 2 % des rues en France portent le nom d’une femme !
Si la situation évolue, il faudra encore du temps avant de voir une femme architecte être reconnue au même titre qu’un homme. Pas étonnant dans un environnement urbain et public aussi inégalitaire ! Comment en effet confier à une femme architecte la réalisation d’un bâtiment ou d’un monument important alors que dans la vielle même, elle est – presque – complètement exclue. À commencer par les noms des rues elles-mêmes : 98 % d’entre elles en France portent un patronyme masculin !
Et oui, en 2016, seules 2 % des 63 500 rues françaises portaient le nom d’une femme. Les femmes ne représentant que 15 des 200 noms de personnalités les plus donnés (7,5 %), soit un de plus que les noms étrangers.
Mais sur les 33 % de rues consacrées à des personnalités, seules 6 % citent des femmes. Quels sont les noms les plus donnés ? Dans l’ordre : Notre-Dame (1 157 noms), Jeanne d’Arc, l’aviatrice Hélène Boucher et la romancière George Sand.
Bonne nouvelle toutefois : si à Paris, seules 2,6 % des rues portent le nom d’une femme illustre, 61 % des dénominations depuis 2014 ont été attribuées à des femmes.
Et il y a toujours une exception pour confirmer la règle : près de Tours, la commune de La Ville-aux-Dames (5 300 habitants) affiche une écrasante majorité des rues portant un nom de femme célèbre (seules 4 rues ne portent pas le nom d’une femme). Un cas unique en France.
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