Noël est passé et avec lui sa traditionnelle distribution de cadeaux… notamment pour les enfants. Quoi de plus normal pour ceux qui sont la première cible des fêtes de fin d’année… et de la publicité. Si les Barbie ou les Playmobil ont toujours la cote, difficile parfois de faire son choix parmi les nombreux jouets en rayon. Vous ne vous en êtes pas forcément rendu compte, mais la publicité –et le marketing produit associé – oriente souvent le choix des plus jeunes mais aussi des plus âgés.
Une récente étude du CSA, les enfants de 4 à 10 ans passent plus de deux heures par jour devant la télévision.
Problème : 10 % de leur temps de visionnage est consacré à la publicité. Et bien entendu, les pubs sont particulièrement ciblées aux heures de forte audience de cette tranche d’âge : jouets mais aussi alimentation influencent ainsi les plus jeunes à un âge auquel ils ne sont pas en mesure de faire la différence entre annonce commerciale et information. Ainsi, selon l’UFC-que Choisir, 77 % des enfants préfèrent les céréales promues à la télévision.
L’influence de la publicité à la télévision
Ainsi, une étude de l’INPES en 2011 a démontré que 62 % des enfants demandaient à leurs parents d’acheter des produits vus dans une pub à la télévision. Autre constat : 91 % d’entre eux ont déclaré avoir obtenu ce qu’ils avaient demandé. Quoi de plus normal alors que de leur offrir à Noël le cadeau qu’ils ont demandé ? Mais à quel point les publicités influencent-elles la sensation d’appartenance à un genre ou transmet-elle des a priori sociétaux qui participent pleinement à formater « les enfants » et à les ancrer dans un genre particulier ?
10 % du temps de visionnage de la TV consacré à la pub
En effet, qui aurait l’idée d’offrir une poupée à un petit garçon quand on peut lui offrir un circuit auto, un garage ou un atelier de bricolage ? De la même manière, quelle petite fille demande à recevoir un ballon de foot alors que les cuisinières et autres Barbie leur tendent les bras ? Les catalogues de jouets sont les premiers à véhiculer une image stéréotypée du petit garçon ou d’une petite fille. Or, l’enfance représente le premier stade de socialisation des enfants, de leur appréhension de la société dans laquelle ils vont être amenés à grandir. C’est pourquoi, les publicités sont à cet âge-là primordiales car elles ont un impact bien plus important sur leur développement qu’à l’âge adulte.
Des enjeux marketing et non de genre
Née à la fin des années 70, j’ai donc grandi pendant les années 80. Dans mon souvenir, à cette époque-là, les catalogues de jouets étaient plutôt neutres. Si j’ai bien eu quelques Barbie dans mon enfance, j’ai également eu des Playmobil, un microscope, un vélo rouge (et non pas rose), le kit du petit médecin, des transformers, un docteur Maboul… et je jouais aussi avec le circuit de petites voitures de mon frère. Et je rêvais d’avoir une mini-table de billard convertible en baby-foot, table de ping pong et jeu de hockey !
62 % des enfants demandaient à leurs parents d’acheter des produits vus dans une pub
Mais les choses ont bien changé depuis, mettant en avant l’importance croissante du Marketing dans le business des entreprises. Voilà la vraie raison de la « genrisation » des catalogues de jouets. Mais en intégrant une différentiation sexuelle dans les jouets, on influence l’image que les enfants auront d’eux-mêmes et donc la manière dont ils vont évoluer… et à leur tour reproduire ces stéréotypes malgré eux !
Et si le Père Noël était une femme ?
Vous en doutez ? La preuve par l’exemple avec cette initiative, dans le cadre du mouvement #morewomen, de l’agence de communication Anomaly, spécialisée dans la lutte contre les clichés, qui a posé à des petits Britanniques cette question très simple : « Et si le Père Noël avait été une femme ? » Et les réponses particulièrement sexistes des enfants ne se sont pas faites attendre.
En voici quelques exemples :
- La Mère Noël n’a pas de GPS intégré : « Elle va se perdre dans le ciel », alors qu’il faut « parcourir le monde entier »
- La Mère Noël doit se mettre à la muscu : « La hotte est trop lourde à porter pour une femme », « Il faudrait qu’elle fasse de la musculation », « Il faudrait que ce soit une des filles les plus fortes du monde. »
- La Mère Noël est avant tout… une mère : « Son bébé va casser tous les jouets », « Elle devra lui préparer son lait à l’avance », « Si elle a un bébé, elle devra distribuer les cadeaux et en même temps lui donner son lait. »
- À table : Un petit garçon suggère même qu’elle ferait mieux de cuisiner pendant que son mari travaille !
Heureusement, la Mère Noël ne semble pas être une ordure !
- Vous pouvez voir la vidéo en français sur le site du Huffington Post.
Le catalogue sans préjugés des magasins U
C’est pourquoi l’initiative des magasins U dans leur catalogue de Noël unisexe est à saluer. Enfin, la chaîne a ainsi tenu à dépasser les préjugés entre filles et garçons dans son spot publicitaire. Une campagne promotionnelle placée sous le signe de l’égalité. Le concept est simple : placer un certain nombre de jouets de tous types dans un studio et laisser les enfants – filles et garçons – jouer librement avec ce qu’ils / elles veulent. Puis, le catalogue de jouets reprenait alors les photos de ces enfants laissant libre cours à leurs envies.
On y voit ainsi des petits garçons jouer à la poupée ou « faire la cuisine » et des petites filles s’amuser avec des voitures ou une grue. Au revoir les jouets pour garçons ou les jouets pour filles. Bonjour les jouets… tout court !
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