En mai 2024, j’ai eu l’opportunité et la chance d’effectuer un voyage de presse en Afrique du Sud. Objectif : assister au salon de tourisme Africa’s Travel Indaba, le plus important d’Afrique. Une très belle expérience tant professionnelle qu’humaine d’autant qu’il s’agissait de ma première visite dans ce pays. Outre la faune exceptionnelle, j’ai notamment été ravie de rencontrer et d’interviewer de nombreuses femmes dont certaines à des postes à très hautes responsabilités. Et si les femmes africaines prenaient le lead en termes d’empowerment au féminin ?
Direction Durban, capitale de la région du KwaZulu-Natal, dans un premier temps pour couvrir l’Africa’s Travel Indaba en tant que journaliste, puis cap sur le Limpopo, situé au Nord-Est du pays. Dès que l’on parle de l’Afrique du Sud, on pense évidemment à Nelson Mandela, à son équipe de rugby et aux safaris. Mais on pense moins aux femmes sud-africaines.
Si le tourisme est traditionnellement un secteur très féminisé, j’ai pu alors constater lors du salon à quel point elles sont nombreuses, à commencer par les femmes autochtones, à occuper des postes stratégiques, en politique notamment. Mais pas seulement. L’occasion alors de me poser la question de la place qu’elles occupent véritablement aujourd’hui, en 2024, en Afrique.
Comment les Sud-Africaines se sont imposées en tant que leaders
À l’Africa’s Travel Indaba, les femmes étaient partout et pas que sur les stands dédiés au tourisme ! En effet, j’ai eu l’opportunité d’interviewer certaines hautes responsables sud-africaines dont :
- Madame la ministre du Tourisme sud-africain, Patricia de Lille ;
- Madame Nomagugu Simelane-Zulu, ministre de la Santé ;
- Ou bien encore Nombulelo Guliwe, directrice générale de l’office du tourisme sud-africain (South African Tourism) ;
- Et Phindile Makwakwa, directrice des Opérations de l’office du tourisme de la région du KwaZuku-Natal.
En 2019, le gouvernement présenté par le président Cyril Ramaphosa était paritaire pour la première fois dans l’histoire du pays. Une parité acquise 25 ans après la fin de l’apartheid, à la suite d’un combat politique dans lequel les femmes ont joué les premiers rôles.
L'Afrique du Sud a en effet pris des mesures pour tendre vers la parité, dans les services publics notamment, et améliorer la représentation politique des femmes. En 2021, elles représentaient plus de 46% des membres du Parlement.
Rien d’étonnant donc à retrouver un certain nombre de femmes africaines engagées en politique aujourd’hui. Mais au-delà, j’ai été très intéressée de voir qu’elles occupaient désormais une place de plus en plus importante dans la société et dans l’économie. Sur ce point, l’histoire de l’atelier Twananani Textiles est assez incroyable.
Twananani Textiles, un atelier de création textile entièrement géré par des femmes
Twananani Textiles produit des tissus, des taies d'oreiller et des vêtements traditionnels depuis 20 ans. Pourtant, l’histoire de cet atelier artisanal remonte à bien plus loin. En 1983 plus précisément, lorsqu’un groupe de 29 femmes décide de travailler ensemble pour perpétuer la fabrication traditionnelle de vêtements, accessoires, perles et autres articles de maison destinés à la vente.
L'activité est d’abord répartie entre quatre de leurs maisons avant de faire une rencontre déterminante en 1985 : celle d’Anna Collins qui leur enseigne les techniques d’impression et de batik. De simple aventure artisanale, l’activité se développe au point de permettre à ces femmes d’ouvrir un atelier à côté d'une école maternelle où elles peuvent travailler tout en restant proches de leurs enfants et de leurs petits-enfants.
Combinant le batik, l'impression à la planche, la broderie, le perlage et la peinture à la main, ces artisanes créent aujourd’hui encore des textiles colorés et créatifs ornés de symboles et d'animaux emblématiques des Tsonga et des Venda.
Si vous avez l’occasion de voyager en Afrique du Sud, du côté de la route de l’art dans le Limpopo, n’hésitez pas à vous arrêter pour visiter l’atelier dans lequel vous serez initié à l’art de la création textile par, entre autres, Ma Florence, Amu et Molly.
Des inégalités néanmoins persistantes
Pour autant, 30 ans après la fin de l’apartheid, et comme partout dans le monde, la condition des femmes africaines reste loin d'être privilégiée par rapport aux hommes, notamment dans les townships sud-africains. Elles sont encore très (trop) nombreuses à avoir pour quotidien l’insalubrité, la pauvreté, la peur et la violence. Sans parler des inégalités persistantes. En 2022, 41,5% de femmes noires étaient sans emploi contre 9,9% de femmes blanches.
« L’Afrique est la région du monde où les femmes ont le plus de risques d’être tuées par un partenaire intime ou un membre de la famille », révèle une étude de l’ONU Femmes publiée en 2019. Parmi les pays les plus dangereux pour elles figure l’Afrique du Sud : chaque heure, en moyenne, trois femmes y meurent sous les coups de leur conjoint.
Quid de la place des femmes en Afrique ?
Comme en Afrique du Sud, les femmes occupent de plus en plus de fonctions de direction et de leadership sur le continent africain. Mais l'égalité femmes-hommes est loin d'être atteinte !
Au 1er janvier 2024, les femmes ne représentaient que 27,3% des parlementaires en place en Afrique subsaharienne ! Un chiffre toutefois encourageant étant donné qu’elles ne sont que 26,9% à l’échelle mondiale selon l’Union interparlementaire, l'organisation mondiale des Parlements des États souverains. En revanche, les pays africains ne comptent qu’une seule cheffe d’État – Sahle-Work Zewde, présidente de l’Ethiopie – mais trois cheffes de gouvernement :
- Victoire Tomegah-Dogbé au Togo ;
- Saara Kuugongelwa-Amadhila en Namibie ;
- Et Judith Tuluka Suminwa, nommée début avril 2024 en République Démocratique du Congo.
Une terre de contrastes
Ainsi, le continent africain n’en est pas à une exception près, notamment concernant la participation politique des femmes (PPF), comme en témoigne le Baromètre Afrique 2024.
En effet, avec une représentation de femmes au Parlement qui n'a augmenté que d'1% depuis le Baromètre de 2021, il faudrait attendre jusqu'à l'an 2100 pour que la parité soit une réalité. Néanmoins, les choses évoluent positivement : 41 pays africains possèdent désormais une forme de quota au niveau local ou national.
Plus paradoxal, le continent abrite à la fois le leader mondial en termes de PPF (le Rwanda, avec 61 % de femmes au Parlement), mais aussi le pays qui se classe dernier en la matière, le Nigeria avec 4 %.
Focus sur l’égalité des genres en Afrique subsaharienne
En Afrique subsaharienne, les élections de 2023 ont concerné pas moins de 18 chambres dans 13 pays. En moyenne, 19,1% des élus étaient des femmes, soit une hausse de 3,9 points de pourcentage par rapport aux précédentes élections équivalent à la plus forte augmentation enregistrée dans le monde.
Dans l'ensemble, la représentation des femmes a augmenté dans 11 chambres. Mention spéciale pour l’Eswatini (ex-Swaziland) qui a enregistré la plus forte progression (+ 20 points) de la représentation des femmes parmi les pays concernés. Il est suivi par le Bénin et la Sierra Leone, affichant respectivement une croissance de 18,5 et 15,9 points de pourcentage.
En nombre, les plus fortes proportions de femmes élues au parlement ont été enregistrées dans les chambres hautes du Zimbabwe (45 %) et de l'Eswatini (43,3 %). Le Nigeria se classe même parmi les cinq derniers pays au monde en ce qui concerne la représentation des femmes au parlement. À l’opposé, le Nigeria a élu le parlement le moins « féminisé », les femmes ne représentant que 2,8 % des députés à la chambre haute et 3,9 % des députés à la chambre basse.
L’exception rwandaise
Enfin, difficile d’évoquer les femmes en Afrique sans parler du Rwanda. Les femmes se sont en effet émancipées après le génocide advenu en 1994. Dès 2003, la Constitution rwandaise a ainsi instauré un quota de 30 % de femmes dans toutes les instances étatiques de prise de décision. Un seuil aujourd’hui largement dépassé puisque le pays enregistre le « record » mondial du nombre de femmes au Parlement avec 61,3 % d’éluEs !
Majoritaires au Parlement et piliers du « miracle rwandais, les femmes sont également très présentes dans toutes les sphères de la société et participent activement à la reconstruction du pays en tant que ministres, cheffes d’entreprise, juges…
On compte également :
- 42,5% de femmes au sein du Cabinet ;
- 30% de femmes maires au sein des gouvernements locaux ;
- Et 92% de femmes intégrées financièrement contre 93% des hommes.
Le Gouvernement a même mis en place un programme (Gender Equality Seal Program) pour récompenser les entreprises ayant mis en place des initiatives en faveur de l’égalité des genres au travail.
Une fois encore, l’objectif de cet article n’est pas de dresser un état des lieux exhaustif de l’égalité femmes-hommes en Afrique. Il est important de rappeler qu’en la matière, les inégalités, discriminations et violences à l’égard des femmes restent encore très élevées… comme dans la quasi-totalité des régions du monde !
L’idée est davantage de mettre en avant les progrès réalisés et de montrer que la situation évolue positivement. Il sera alors très intéressant de faire le point dans quelques années sur l'égalité des genres. Mais l’Afrique pourrait bien montrer l’exemple dans les années à venir en termes de leadership au féminin !
Crédits photos : ©Africa’s Travel Indaba 2024 / ©Violaine Cherrier