Saviez-vous que les femmes, en France, ont dû attendre 1965 pour pouvoir ouvrir un compte en banque sans l’accord de leur mari ou de leur père ? C’était il y a à peine 50 ans, et 21 ans après leur droit de vote ! Pas étonnant alors de voir si peu de femmes au plus haut niveau des grandes instances financières. Pourtant, la situation est plus mixte qu’elle n’y paraît.
Oui, les femmes aiment l’argent ! Mais plutôt que de ressasser un vieux stéréotype, elles aiment surtout gérer l’argent et se montrent même très compétentes en la matière. Après tout, n’a-t-on pas confié les clés du Fonds Monétaire International (FMI) à une femme, la Française Christine Lagarde, elle-même ancienne ministre de l’Économie ?
Alors pourquoi autant de clichés voire de sexisme dans le secteur financier ? Nous sommes aujourd’hui loin de l’image de Romy Schneider dans La Banquière (Francis Girod, 1980), rôle inspiré de la vie de Marthe Hanau (1890 – 1935). Cette femme d’affaires surnommée « la banquière des années folles » fut impliquée dans un important scandale financier qui causa sa chute.
Les inégalités augmentent avec la hiérarchie…
Paradoxe : selon une étude Deloitte réalisée en 2014, le secteur financier figure parmi les directions les plus féminisées de l’entreprise en France avec près de 60 % de femmes. L’analyse porte sur 7 500 entreprises de toutes tailles et issues de tous secteurs. La finance se positionne ainsi juste derrière les ressources humaines ou les services généraux (environ 80 % de femmes) et la communication (75 % de femmes).
Un constat qui peut sembler étrange de prime abord mais qui inclut tous les niveaux de direction. En effet, une analyse plus fine permet de contraster ce résultat. Ainsi, selon une étude du cabinet Oliver Wyman, seulement 4 % de femmes occupaient, en 2013, un poste de PDG parmi les grandes institutions financières mondiales. Autre réalité : les comités exécutifs de ces mêmes entreprises ne comptaient que 13 % de femmes. Pire, un tiers d’entre eux sont encore exclusivement masculins !
49 % de femmes au niveau N-5… 5 % au niveau de la direction générale
Une autre étude, réalisée par Financi’Elles et Deloitte, montre que dans la banque et l’assurance les femmes sont très présentes dans les échelons intermédiaires : on observe ainsi une quasi parité au niveau N-5 (49 % de femmes), et N-4 et N-3 qui comptent chacun 43 % de femmes. En revanche, aux niveaux N-2 et N-1, le pourcentage tombe à 39 %. Et au niveau N… la proportion des femmes atteint seulement 5 % au niveau de la direction générale !
Tout s’explique : si les femmes sont bel et bien présentes dans la finance, elles se concentrent essentiellement dans les échelons inférieurs des entreprises. Et les salariés le ressentent : l’étude met ainsi en avant que seuls 49 % des hommes et 41 % des femmes interrogés estiment que la politique de leur entreprise en matière de féminisation des effectifs, notamment aux plus hauts niveaux hiérarchiques, est suffisante.
… Mais tendent à se réduire
Conséquence directe de cette discrimination à l’égard des femmes : les différences salariales. Dans leur ensemble, elles sont moins bien payées que leurs équivalents masculins à poste et niveau de compétences égal. Comme le précise le baromètre 2014 Michael Page-DFCG-Option Finance, le salaire moyen d’un contrôleur de gestion s’élève à 62 400 euros annuels pour un homme, contre 56 200 euros pour une femme. Celui d’un directeur administratif et financier masculin atteint 98 300 euros, contre 92 100 euros pour une femme.
Des différences notables mais qui tendent à s’estomper, de plus en plus d’entreprises étant sensibles à l’impact de la diversité et de la mixité sur leurs performances.
Les responsabilités restent masculines
Toutefois, les fonctions à forte responsabilité semblent demeurer l’apanage des hommes. Ainsi, l’Agefi Actifs, en juin 2015, démontrait que plus de 80 % des fonctions de l’Asset Management sont occupées par des hommes contre un peu plus de 10 % de femmes. Constat identique dans le conseil en stratégie : 90 % des collaborateurs sont masculins !
En règle générale, les niveaux managériaux – toutes fonctions confondues – sont fortement masculins : 47 % des hommes sont managers dans leur métier, contre 26,6 % de femmes.
Plafond de verre ou autocensure ?
Malgré tout, la progression des femmes dans la finance reste lente. La faute au plafond de verre mais aussi aux prétentions salariales des femmes. Un aspect que l’on retrouve dans l’ensemble des secteurs : les femmes ne savent pas se valoriser autant que les hommes… souvent parce qu’elles n’ont jamais appris à le faire. Une étude sur la mobilité des cadres réalisée en 2014 par Deloitte met le doigt sur ce point : il apparaît qu’à niveau de salaire et de responsabilité identique, 37 % des hommes se déclarent insatisfaits de leurs rémunérations, contre seulement 27 % des femmes.
La faute aussi à des bonus qui, pour les femmes, semblent davantage liés à des objectifs individuels (80 % contre 64 % en moyenne) et moins dépendants de critères quantitatifs (7 % contre 25 % en moyenne), ce qui rend les objectifs plus difficiles à atteindre.
Seules 27 % des femmes osent se montrer insatisfaites de leur salaire
Les perceptions des métiers de la finance diffèrent également selon une étude de l’Agefi Actifs. Les hommes placent ainsi l’argent comme principal facteur d’identification du secteur de la finance (69%). Les femmes, quant à elles, sont 42 % à placer l’argent en tête mais elles sont aussi 32 % à l’identifier comme un secteur d’hommes. Pour une fois, ce sont peut-être les femmes elles-mêmes qui véhiculent les stéréotypes !
Les résultats de la consultation 2014 sur la confiance des cadres au sein du secteur de la banque, finance et assurance réalisée par Financi’Elles – Deloitte vont en ce sens : si 87 % des hommes ont le sentiment d’être traités à l’égal des femmes, seules 57 % des femmes partagent cet avis.
Autre information révélatrice : les hommes sont 58 % à se déclarer confiants dans leur avenir professionnel, tandis que les femmes ne sont que 44 % à croire en leurs perspectives d’évolution de carrière.
Mais les choses évoluent dans le bon sens : l’Agefi Actifs a ainsi demandé aux répondants décrire le monde de la finance par un adjectif. Si plus de 90 % des hommes le décrivent comme un milieu machiste, les femmes ne le placent qu’en 3e position après aisé et élitiste. Il est enfin temps qu’elles prennent conscience de leur vraie valeur. D’autant que la France compte parmi les meilleures formations en la matière.Ce serait dommage de s’en priver.
Les réseaux femme et finance
Certains réseaux se sont constitués autour des femmes évoluant dans la finance. L’opportunité de rencontrer des mentors, de bénéficier de retours d’expérience et favoriser son évolution.
- Financi’Elles
Financi’Elles est la première fédération de réseaux de femmes cadres intra-entreprises du secteur financier. Elle s’est donnée pour mission de contribuer à améliorer et surtout accélérer l’accès des femmes au sommet des organisations du secteur de la finance. « Les adhérentes de Financi’Elles partagent toutes la conviction que la mixité est un facteur clé pour la réussite future de l’industrie financière. L’ambition de Financi’Elles est de conjuguer les ressources et les énergies des réseaux de femmes cadres existants ou en devenir au sein du secteur, pour, à partir d’une vision et d’un diagnostic communs, soutenir et démultiplier l’action de chacun, au bénéfice du renforcement de la mixité à tous les niveaux hiérarchiques des entreprises du secteur. »
– Consulter le site Financi’Elles
- Femmes & Finance
L’association, créée en 1983, réunit des femmes décisionnaires répondant à des critères professionnels stricts, c’est-à-dire :
– Une fonction managériale ou de haute technicité dans toute institution caractère financier ou une fonction financière de même niveau au sein d’une entreprise à caractère industriel, commercial, ou de service.
– Une profession libérale à caractère financier.
La future adhérente doit en outre être « marrainée » par deux membres actifs de l’association et exprimer ses motivations par écrit.
– Consulter le site Femmes & Finance
Ne manquez pas très prochainement sur ce blog le portrait de Sylvie Préa, DRH Monde de Global Banking & Investor Solutions (« GBIS »), un des trois pôles du Groupe Société Générale. Une femme engagée dans une entreprise proactive en matière de promotion des femmes.
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