Depuis janvier 2017, la loi Copé Zimmermann impose 40 % de femmes au sein des conseils d’administration des entreprises de plus de 500 salarié-e-s et de 50 millions de chiffre d’affaires. En 2014, cette proportion n’atteignait que 20 %. Des inégalités qui ne reflètent pas la réalité car les femmes sont elles aussi de vraies entrepreneures dans l’âme. Alors aujourd’hui, où sont et qui sont les femmes dirigeantes en France ? 1re partie de notre dossier.
À noter : ce dossier a été rédigé pour le magazine Managers.
Bien que les femmes représentent 48 % de la population active, en 2016, elles n’occupaient, selon une étude KPMG, que 14 % des postes de direction et 39 % des fonctions cadres. Pourquoi une si faible proportion ? En 2015, une dirigeante sur dix considérait encore qu’être une femme était un obstacle pour sa carrière. Le plafond de verre est-il un mythe ou une réalité en France ? Retour sur les nombreux a priori au sujet des femmes entrepreneures.
Peu de femmes dirigeantes… au sein des grandes entreprises
Rares sont celles en effet qui occupent la fonction de directrice générale au sein d’une grande entreprise ou d’un groupe mondial. En 2016, on ne compte qu’une seule femme à la direction générale d’une entreprise du CAC 40 : Isabelle Kocher à la tête d’Engie.
Autre constat : en 2015, près de 95 % des présidents d’entreprises et directeurs généraux étaient des hommes. Seules 3 femmes présidaient – une fonction qui, n’implique pas de rôle opérationnel – alors une entreprise du SBF 120, à savoir les 120 plus grandes entreprises cotées en France : Publicis (Élisabeth Badinter), Vallourec (Vivienne Cox) et Virbac (Marie-Hélène Dick). Sans oublier Clara Gaymard qui fut présidente directrice générale de General Electric France entre 2006 et 2016.
La situation évolue dans le bon sens
Mais la situation évolue. La loi Copé Zimmermann sera ainsi également appliquée en 2020 aux entreprises de plus de 250 salariés, remplissant les mêmes conditions de chiffre d’affaires et/ou de total de bilan. En 2016, selon Ethics & Boards, 110 femmes pour 68 hommes – contre 80 femmes pour 75 hommes en 2015 – ont ainsi été nommées au sein des conseils d’administration de ces entreprises.
En septembre 2016, les entreprises du SBF 120 affichaient un taux de féminisation moyen de 38 % de leurs conseils d’administration ou de surveillance, contre 33,3 % en 2015 et 26,2 % en 2013. L’indice boursier de Paris se place ainsi loin devant ceux de Londres (26,7 %) et de New-York (23,1 %) !
Toutefois, les entreprises non cotées affichent toujours quant à elle de fortes disparités avec un taux moyen de 14 % de femmes dans leurs conseils d’administration. Et que dire des 2 000 ETI (entreprises de taille intermédiaire) concernées par la loi qui ne comptent que 16 % de femmes dans leur conseil d’administration ? Certains secteurs d’activités très masculins peinent cependant à embaucher des femmes faute de candidates. Le cimentier Lafarge ne comptait en 2016 que 7 % de femmes dans son CA faute de candidatures féminines. Les écoles d’ingénieurs n’accueillent en effet que 29 % d’étudiantes.
À noter : seuls 27 % des postes fonctionnels de direction sont occupés par des femmes dans la fonction publique.
L’arbre qui cache la forêt ?
Le palmarès 2016 de la féminisation des grandes entreprises met toutefois en exergue une réalité beaucoup plus nuancée au sein des grandes entreprises. Si certaines font figure de bon élève comme la foncière Gecina, l’assureur CNP, le producteur d’électricité Engie, le fabricant de cosmétiques L’Oréal ou le géant de la restauration collective Sodexo, il reste encore des progrès à réaliser.
En effet, si le taux de féminisation des conseils d’administration s’est amélioré de 26,2 % à 38 % entre 2013 et 2016, celui des Comex n’a augmenté que de 4 points, passant de 12 % à 14,9 %, et celui du « Top 100 » des managers, de 18,5 % à 22 %. Bonne nouvelle cependant : une présence de plus en plus affirmée des femmes dans les comités de nomination : 36,7 % des membres sont aujourd’hui des femmes et 32,7 % comptent même des présidentes.
Quid des femmes dirigeantes dans le monde ?
Comment la France se situe-t-elle alors par rapport au reste du monde ? La situation n’est pas forcément mieux ailleurs… mais elle n’est pas pire non plus. L’Allemagne a elle aussi décidé en août 2017 d’appliquer un système de quotas. Objectif : un tiers des postes de direction occupés par des femmes… en 2040 !
En 2016, l’hexagone se classait ainsi à la 15e place mondiale du classement du Forum économique mondial concernant les inégalités entre les femmes et les hommes. Ce classement portait sur les domaines de l’éducation, de la santé, de l’économie et de la politique.
Avec 34,1 % de femmes au sein des conseils du CAC 40 en 2015 (contre 10,7% en 2009), l’hexagone demeure le meilleur élève de l’Union européenne en matière de parité dans les grandes entreprises, devant la Lettonie et la Suède (32%).
The Official Board, la base de données des dirigeants d’entreprise, a passé en revue près de 400 000 postes dans 50 000 entreprises de plus de 100 millions de dollars de chiffre d’affaires annuel, réparties sur 94 industries dans 200 pays. Le résultat est sans appel : seules 9 % d’entre elles sont dirigées par des femmes ! Le plafond de verre semble donc être un phénomène mondial même parmi les pays les plus industrialisés.
Plus d’entreprises dirigées par un John que par une femme aux USA !
Le New York Times a même calculé un indicateur de plafond de verre établi selon une étude du cabinet EY menée auprès des 1 500 plus grandes entreprises des États-Unis. Il apparaît qu’aux États-Unis, on compte plus de dirigeants prénommés John et David à exercer des fonctions décisives… que l’ensemble des femmes (respectivement 5,3 %, 4,5 % et 4,1 %).
Les USA ne font donc pas exception en la matière. Où sont donc majoritairement les femmes dirigeantes, c’est-à-dire présidente-directrice générale ? En Afrique (notamment l’Afrique du Sud) et en Europe (11 % et 10 %) qui devancent l’Asie (9 %), l’Amérique du Nord (8 %), du Sud (8 %) et l’Océanie (7 %).
Les stéréotypes ont la vie dure
Même parmi les fonctions de direction, les stéréotypes souvent associés aux femmes perdurent. La majorité d’entre elles occupant encore souvent des fonctions dites « féminines ». Ainsi, sur 40 types de fonctions exécutives, elles sont très présentes au poste de vice-présidente en charge de la communication (44 %) ou en charge des relations investisseurs (35 %).
Seules 6 % d’entre elles occupent la fonction de présidente du conseil d’administration dans les grandes sociétés. Même constat concernant les secteurs d’activité : elles sont très peu représentées dans les secteurs de la high-tech et de l’industrie manufacturière.
Les PME et petites entreprises plus ouvertes aux femmes
Seulement 14 % de femmes dirigent une entreprise de 50 personnes et plus. Plus la taille de l’entreprise augmente, plus la part des femmes parmi les indépendantes et dirigeantes salariées d’entreprises diminue, selon l’Insee. Elles représentent en effet :
- 37 % des personnes travaillant seules dans leur entreprise
- 28 % de celles dont les entreprises comptent de 2 à 4 personnes
- 16 % dans les entreprises de 20 à 49 personnes
- 14 % dans les entreprises de 50 personnes ou plus
Les femmes restent les plus représentées dans les entreprises de 10 à 20 salariés. Toutefois, les grandes entreprises commencent à se réveiller : dans les entreprises de plus de 1 000 salariés, la part de femmes dirigeantes a progressé de 3,5 % à 7,5 %, soit +4 points en 10 ans. Une hausse significative qui devrait continuer à croître.
Autre constat : elles n’ont plus peur d’entreprendre.
40 % des entreprises individuelles sont ainsi aujourd’hui créées par des femmes !
En 2016, 554 000 entreprises ont ainsi été créées en France, soit 6 % de plus qu’en 2015. Avec une hausse notable concernant les créations d’entreprises individuelles classiques (+ 10 %). Près de la moitié d’entre elles l’ont été par des femmes ! Mais seules 10 % des start-ups sont créées par une femme.
Start-up : où sont les femmes ?
En 2017, 70 % des start-ups dans le monde ne comportent aucune femme dans leur conseil d’administration. Voilà ce que révèle une étude menée par la Silicon Valley Bank. Un pourcentage à la hausse puisque « seules » 66 % des start-ups ne comptaient aucune femme dans leur CA en 2016. Et cette réalité s’étend aux fonctions à hautes responsabilités : 54 % des start-ups n’intégraient que des hommes à ces postes, soit près de 10 % de plus par rapport à 2016.
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